Roulez, roulez, sinon nous sommes perdus ! *
Lundi 2 novembre 2009
J'extirpe une de mes Tractions de sa remise lointaine en vue d'un retour à la maison.
J'ai 200Km à faire.
Légère angoisse car la "11" n'a pas tourné depuis juillet.
Cosse de batterie remise en place, amorçage de la pompe à essence, méditation de circonstance sur le siège pour se réimprégner de l'odeur de l'intérieur, prendre le temps de humer cette fragrance inimitable, et le touché du petit Bibendum porte clé au creux de la main.
J'ai 200Km à faire.
Légère angoisse car la "11" n'a pas tourné depuis juillet.
Cosse de batterie remise en place, amorçage de la pompe à essence, méditation de circonstance sur le siège pour se réimprégner de l'odeur de l'intérieur, prendre le temps de humer cette fragrance inimitable, et le touché du petit Bibendum porte clé au creux de la main.
Plein retard, demi starter, contact puis tirette de démarreur...la magie opère une fois de plus et la masse de fonte s'ébroue sur la compression.
Marche arrière et l'auto sort de sa remise. On referme les portes sur le "ploup-ploup" de péniche du ralenti avec starter.
Petite manœuvre, et c'est parti: On roule doucement pour chauffer la mécanique en douceur, puis le chemin se transforme en petite route, puis en nationale et on prend l'autoroute alors que le moteur est à bonne température, ça tombe bien.
C'est lundi, il fait encore beau et doux et la circulation est symbolique.
La première redécouverte, comme à chaque fois, est l'incroyable confort de cette auto en regard de son dépouillement.
Tout est souple, évident, pensé et bien conçu.
Dans le jeu des reflets du soleil rasant du début d'hiver, je me vois en miroir dans les vitres. Installé comme un nabab, je mène ma machine du bout des doigts...Me revient en mémoire mon jeu fou des mes 18 ans: sur des rails à vitesse constante, ma TA de l'époque tirait imperceptiblement à gauche à la retenue, et à droite à l'accélération. Je m'asseyais en place passager dans les longues lignes droites, un bras étendu sur les dossiers l'autre posé sur la portière, corrigeant légèrement la trajectoire du pied gauche sur l'accélérateur sans toucher le volant, juste pour contempler la tête épouvantée des conducteurs qui croisaient cette Traction sans chauffeur mais au passager imbécile.
La 11 se cale presque toute seule sur son régime de croisière, oasis sonore et vibratoire qui me mène à la vitesse des poids lourds que je "remonte" péniblement sur de longs kilomètres puis double d'un ultime coup de gaz qui déchaine les derniers chevaux, les plus rétifs et râleurs, les purs-sang qui n'acceptent d'intervenir qu'à grand renfort de bruits et vibrations.
Ma traction est un bourdon...
Le gros derche finalement vaincu, rétroviseurisé impitoyablement par l'aïeule, je relève un peu le pied et le calme revient.
Le gros derche finalement vaincu, rétroviseurisé impitoyablement par l'aïeule, je relève un peu le pied et le calme revient.
La croisière continue, en s'amusant:
On me double à qui mieux-mieux. Klaxons, pouces levés, appels de phares d'en face... La belle Traction-avant séduit comme une starlette cannoise.
Quelques uns passent, hautains et se voulant magnifiques dans leurs minables caisses coréennes à crédit.
Ce n'est pas grave, moi je roule en légende, alors que la tienne c'est juste une bagnole, du consommable en plastique...
Au bout d'une heure de ce train, je m'ennuie ferme. Vite, on sort ! La fin du petit périple se fera plutôt par la route. Mais qu'est ce que j'ai bien pu faire sur l'autoroute ?
Au bout d'une heure de ce train, je m'ennuie ferme. Vite, on sort ! La fin du petit périple se fera plutôt par la route. Mais qu'est ce que j'ai bien pu faire sur l'autoroute ?
Là, je remonte le temps: Oui, rien n'a changé en 30 ans ! Je retrouve les mêmes publicités peintes, délavées, les mêmes fantômes de stations services, les mêmes platanes survivants, magnifiques dans le soleil d'automne.
Là, il y avait une casse, plus loin un petit garage où j'avais été chiner de la pièce ou un bon tuyau auprès d'un mécano sympa en vieux bleu de travail qui sentait la graisse et la clope.
Ici, il y avait une épave dans le champ...
Traversée de villages morts ou presque. J'avais tout oublié de cette route d'avant l'autoroute, de mes débuts de conducteur, de ma jeunesse et qui me menait vers mes vacances, mes copines ou mes errances gratuites.
Quelques visages et prénoms, jeunes à jamais, reviennent à la surface de ma mémoire, et je souris seul au volant.
Un frisson me parcourt et me sort de la concentration de la conduite urbaine dans la petite ville que je traverse, la dernière avant ma destination: Je passe devant la sortie d'un lycée et deux adolescents crient, figés sur le trottoir en me montrant du doigt, stupéfaits par l'apparition roulante.
Un frisson me parcourt et me sort de la concentration de la conduite urbaine dans la petite ville que je traverse, la dernière avant ma destination: Je passe devant la sortie d'un lycée et deux adolescents crient, figés sur le trottoir en me montrant du doigt, stupéfaits par l'apparition roulante.
J'avais presque oublié que je suis dans une auto de martien, de décalé, achetée alors que j'avais quasiment leur âge.
Elle était déjà bien démodée, et pourtant elle ne vieillira jamais !
Vous prenez des anti-dépresseurs ? Roulez plutôt en Traction.
Vous prenez des anti-dépresseurs ? Roulez plutôt en Traction.
* En hommage à Wim WENDERS
La route, à jamais.
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