Taux de compression & Co
Médecin de nos chères Tractions, un diagnostic important pour la bonne santé de leurs moteurs consiste en la "prise de pouls" ou plutôt dans ce cas précis la prise des pressions de compression, communément appelée "prise des compressions" sur les 4 ou 6 cylindres.
Mais avant cela, essayons de comprendre et différencier des notions importantes, souvent et malheureusement confondues dans l'esprit de beaucoup.
1° Le rapport volumétrique ou taux de compression:
Précisons de suite que s'agissant d'un rapport, il ne s'exprime pas assorti d'une unité, contrairement à ce que l'on entend (ou lit) souvent.
Il se définit donc comme le rapport entre le volume du cylindre entier (soit le piston au point mort bas), y compris la chambre de combustion, et le volume de cette dernière (soit le piston au point mort haut) tout simplement:
ρ = V + v
v
On comprend que, pour un moteur donné, ce rapport est invariable sauf à modifier certains paramètres de V ou v, soit par exemple:
- Augmentation de v par augmentation de l'épaisseur du joint de culasse (diminution du taux de compression).
- Diminution de v par rabotage de la culasse, joint plus fin, présence excessive de calamine dans la chambre de combustion, montage de pistons à tête bombée au lieu de plate (augmentation du taux de compression). A la marge, montage de soupapes à tête bombée au lieu de plate.
Tous modèles confondus, et sur la totalité de leur durée de production, les moteurs de TA ont eu des taux de compression (très) faibles en regard de ce que l'on rencontre aujourd'hui.
Sur 7A des origines par exemple, on relève un taux de 5,7:1 et sur les derniers 11D 6,8:1
Sur 15 SIX, on passe de 6,2:1 jusqu'en 1949 puis à 6,5:1 par la suite.
Il est clairement établi que le rendement d'un moteur à explosion classique s'améliore lorsque l'on augmente ce taux de compression ou rapport volumétrique. Les ingénieurs de Citroën maitrisaient parfaitement ce paramètre.
Alors pourquoi des taux aussi bas ? Pour une simple et malheureusement incontournable raison: La qualité des carburants de l'époque !
D'indices d'octane déplorables, les "mixtures" offertes par les pétroliers des années 30/40/50 ne s'accommodaient d'aucune fantaisie, l'essence ordinaire présentant des tendances au cliquetis détonant dès 5:1 de rapport volumétrique !
(A cette époque, les moteurs de course, logiquement plus fortement comprimés réclamaient de ce fait pour pouvoir bien fonctionner, un carburant fortement additionné d'alcool ou de Benzol - ou d'un mélange des deux - qui sont des indétonants.)
On remarque d'ailleurs que le rapport volumétrique augmente au fil des années de production de la TA, suivant en cela l'amélioration historique du taux d'Octane des carburants distribués dans le public.
Le constructeur s'adaptait donc simplement à ce que ses clients utilisateurs rencontreraient sur la route au moment de faire le plein et il était bien entendu hors de question de livrer des véhicules inutilisables dès que le réservoir était vide.
Le correcteur manuel d'avance venait un peu atténuer cet inconvénient, nous en avons parlé ici: L'avance à L'allumage à main
Rapports volumétriques des 4 cylindres
2° Les pressions de compression:
Maintenant que nous avons défini le rapport volumétrique, ou taux de compression, et compris pourquoi il est si bas sur TA, comme d'ailleurs sur tous les véhicules contemporains, voyons ce qu'il en est des pressions de compression correspondantes.
Au point mort bas, juste après le temps admission, nos pistons vont dans leur course ascendante comprimer le mélange air/essence jusqu'à une "certaine valeur" qu'il va être important de mesurer pour connaitre la bonne santé de notre moteur, le fameux pouls mécanique.
En effet, une bonne valeur de compression attestera d'un bon état mécanique général, notamment en confirmant le peu d'usure des éléments du haut moteur et sa bonne étanchéité (segments, pistons, cylindres, soupapes et leurs sièges, joint de culasse, absence de fissures).
On comprend tout d'abord que la pression de compression sera effectivement directement fonction du rapport volumétrique, ainsi que nous le suggère la loi de Mariotte précisant que la pression de compression = le rapport volumétrique ( d'où probablement la confusion trop fréquente entre les deux).
En fait, dans la réalité ce n'est pas exactement cela et les choses se compliquent un peu pour deux principales raisons:
1° Tout d'abord, la compression s'accompagne d'un échauffement du mélange gazeux et donc d'une variation (augmentation) de pression supplémentaire par rapport au taux de compression.
On admet communément un coefficient d'environ X 1,2 pour la mesure de la pression par rapport au taux de compression du fait de cet échauffement.
Mais un deuxième paramètre vient se rajouter et compliquer encore un peu plus la mesure:
2° La pression de compression est aussi directement fonction du taux de remplissage, qui n'est pas le même bien entendu moteur froid ou chaud, et surtout papillon des gaz ouvert ou fermé.
Ce taux de remplissage se quantifie par un chiffre variant de 0 (aucun remplissage) à 1 (remplissage parfait) et se situe, en pratique, à une valeur de 0,2 à 0,8 suivant les moteurs et leur configuration de marche.
Le tableau suivant est précieux en ce sens qu'il donne, pour différentes valeurs de ρ, la valeur théorique de la pression de compression en fonction du remplissage.
Par exemple, pour ρ = 6 nous aurons une pression de compression mesurée égale à ρ avec un taux de remplissage de 0,6 elle sera supérieure au delà et inférieure en deçà.
En abscisse, le taux de remplissage, en ordonnée la pression de compression correspondante.
3° La prise de mesure des compressions:
Compte tenu de ce que nous venons de voir, il faudra prendre les mesures en respectant les points suivants:
A- Le moteur doit être chaud. En effet, il faut prendre la mesure le moteur étant en configuration de marche normale, à froid les jeux et la lubrification ne correspondant pas à ceux constatés moteur chaud, risquent de fausser la valeur lue au compressiomètre.
B- Enlever les 4 (ou 6) bougies: Le démarreur doit rencontrer le moins de résistance possible au cours de la mesure, le moteur ayant besoin alors d'être lancé avec une vigueur suffisante.
C- En complément du point B, éventuellement recharger correctement la batterie avant de faire l'opération de mesure.
D- Placer l'accélérateur à fond au maximum, idéalement en posant un poids dessus, ainsi on ne le fera qu'une fois. Attendre ensuite quelques minutes avant les mesures pour que la dose d'essence injectée par la pompe de reprise (si la Traction en est munie) se soit évaporée. C'est indispensable car nous avons vu que pour une mesure correcte, le remplissage doit être le meilleur possible et donc papillon des gaz pleinement ouvert, le freinage de la veine d'air d'admission sera minimum.
E- Enfin, après avoir correctement vissé ou placé (si c'est un modèle à cône caoutchouc) le compressiomètre sur les orifices des bougies, actionner le démarreur quelques secondes en vérifiant la bonne déviation de l'aiguille indicatrice, qui doit monter très rapidement.
C'est mieux de le faire à deux, un place et maintient le compressiomètre, l'autre actionne le démarreur à la demande. Ne surtout pas oublier de noter, cylindre par cylindre, les valeurs constatées.
4° Les résultats des mesures:
Tout d'abord, vérifier la régularité des 4 ou 6 compressions: Une tolérance de 300 g est admise comme différence entre les cylindres. En cas de divergence importante, refaire soigneusement 1 ou 2 fois la mesure pour en être certain.
Ensuite, la valeur moyenne de compression vous renseignera sur l'état général d'usure du moteur.
a- Valeur inférieure au taux de compression théorique (en dessous de 6 Kgs/cm2):
Moteur généralement usé, ou défaut d'étanchéité des soupapes. Pour en être certain, prenez un cylindre de référence, puis injectez par le trou de bougie une bonne cuillerée à soupe d'huile moteur. Cette huile va créer artificiellement et provisoirement une meilleure étanchéité des segments, et très légèrement augmenter le taux de compression. Si alors la nouvelle mesure est toujours faible, ce sont les soupapes, si la valeur de compression lue remonte, ce sont les segments et l'usure des cylindres.
b- Valeur égale ou supérieure à 7 Kgs/cm2:
S'agissant d'un moteur de Traction assez faiblement compressé de conception, à partir de cette valeur on peut considérer que son moteur est en bonne santé générale.
c- En cas de divergence sur un ou deux cylindres, refaire le test de l'injection d'huile moteur bien entendu.
En complément de cette opération de prise des compressions, il peut être bon et instructif de se confectionner un outil simplissime, mais qui permettra des observations intéressantes.
A partir d'une vieille bougie démontable, et d'une valve auto (on trouve tout cela abondamment en bourses d'échanges) fabriquez ainsi une bougie permettant de mettre en pression successivement les cylindres: Démontez la bougie, enlevez la partie isolante en céramique, meulez l'électrode de masse puis insérez, au besoin en meulant son pourtour, l'embase de la valve en l'étanchant avec une rondelle caoutchouc. Revissez la partie amovible du culot, et c'est fini en presque moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire:
Réalisation ultra simple !
Pour un outil qui pourra révéler des choses intéressantes.
Vous pouvez alors visser cette bougie sur le cylindre à observer, placé à son PMH fin de compression, et mettre en pression via la valve et un simple gonfleur.
Une oreille attentive vous permettra de suite alors de vérifier si une éventuelle fuite se produit soit via les soupapes en passant dans les tubulures d'admission ou d'échappement, soit via les segments en passant dans le carter inférieur. Au besoin, s'aider d'un stéthoscope de mécanicien ou un simple tube plastique. Ce test est bien plus précis que l'injection d'huile dans le cylindre.
Afin d'empêcher le moteur de tourner sous la pression pendant le test, passer simplement une vitesse.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 300 autres membres