Rouler en Traction avant

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Comprendre la carburation à travers le 32 PBIC

Pourquoi comprendre la carburation, et pourquoi le choix du 32 PBIC ?

 

Pour une première raison importante: Comprendre les phénomènes généraux de la carburation permettra au tractionniste de s'affranchir de nombreuses pannes et erreurs de réglage, et d'intervenir bien plus opportunément en cas d'avarie ou de souci de fonctionnement de sa Traction.

 

Deuxième raison: Le 32 PBIC SOLEX, largement monté sur les 11 post 1950 est un carburateur très abouti, quasi-parfait dans sa conception pour l'époque, une véritable référence robuste et réparable maintes fois, son utilisation quasi universelle sur de très nombreux véhicules des années 50 et 60 en atteste si besoin. Des kits complets existaient pour convertir les Tractions plus anciennes avec ce carburateur, et cette opération s'est effectuée souvent à l'époque.

 

Nous verrons, toujours de manière simple et générale, les principes fondamentaux de la carburation par pulvérisation, qui nous occupe ici, et sa transposition au 32 PBIC, principalement via sa vue en coupe très explicite:

 

 

coupe 32pbic.jpg

 

 

 

Retenons tout d'abord juste ceci à ce stade: Notre carburateur est inversé, à gicleur noyé alimenté par une cuve à niveau constant et muni d'une pompe de reprise  et d'un dispositif de starter tous deux à commande mécanique.

 

La disposition inversée améliore sensiblement la carburation, en utilisant la gravité pour le flux de mélange air/essence vers l'admission.

 

 Sur la vue en coupe, on note que les conduites en pointillés schématisent les canaux internes d'air ou d'essence de fonderie, et on note également la particularité remarquable de ce carburateur d'avoir une entrée d'air unique pour toutes ses fonctions, donc d'être relativement insensible au type de filtre à air monté et à son niveau d'encrassement (y penser quand même !).

 

1° La cuve à niveau constant :

 

Il ne saurait être question d'alimenter les différents gicleurs ou circuits internes du carburateur en direct depuis la pompe à essence, qui produit un flux pulsatoire, de pression variable, sa valeur étant en moyenne de 150 à 170 gr/cm2.

On "tranquillise" donc cela dans une cuve à niveau constant, gérée par un flotteur en laiton, de poids précis, qui agit sur un petit basculeur attaquant le pointeau qui ouvre et ferme l'arrivée d'essence en fonction du niveau de remplissage.

C'est très exactement le principe de la ... chasse d'eau ! sauf que la cuve se vide moins vite bien entendu.

 

La cuve est judicieusement placée vers l'avant de la Traction, afin que le mouvement d'accélération tende à enrichir l'alimentation d'essence et le mouvement de décélération à l'appauvrir au contraire, soit exactement en phase avec les besoins du carburateur dans ces moments.

 

Cette cuve alimente les 3 circuits suivants, sur lesquels nous reviendrons successivement en détail:

 

- Le gicleur principal de marche Gg et le circuit de ralenti (1° canal pointillé en partant du bas) en alimentation commune "monojet"

- La pompe de reprise (2° canal pointillé en partant du bas)

- Le circuit de Starter (3° canal pointillé)

 

 

2° Le circuit de marche principal :

 

Nous venons de le voir, une canalisation interne alimente ce circuit. Tout d'abord, le débit de carburant est régulé par le gicleur principal Gg.
On voit sur la vue en coupe que ce gicleur, en permanence sous le niveau de carburant (gicleur dit "noyé") alimente une sorte de "cheminée", ou tube de garde, renfermant le tube d'émulsion s.

Le rôle de ce tube de garde est multiple:

 

- Tout d'abord, éviter le débordement permanent de l'essence dans l'admission, le gicleur étant noyé. On s'assurera que son sertissage dans le corps principal du carburateur est parfait. C'est ici l'un des rares défauts du 32 PBIC vieillissant, où un mauvais sertissage peut provoquer des avaries de marche et fuites très difficiles à diagnostiquer par le profane.

 

- Ensuite, ramener le carburant en émulsion juste au droit de l'étranglement maximum de la buse k. En effet cette buse, soigneusement calibrée, réalise un effet venturi destiné à accélérer la veine d'air en cet endroit, augmenter la dépression et donc permettre une bien meilleure pulvérisation du carburant distribué par le gicleur juste avant son admission dans les cylindres.

 

Dans un monde parfait, nous aurions ici déjà terminé de définir le carburateur idéal.

Malheureusement, ce carburateur "élémentaire" (Cuve-gicleur-venturi) est affublé d'un défaut majeur: Correctement calibré pour une marche moyenne du moteur, il enrichit le mélange au fur et à mesure que croît la vitesse de rotation du moteur, alors qu'il faudrait le laisser constant (grossièrement, exprimé en masse, 1 gramme d'essence pour près de 15 grammes d'air) voire même l'appauvrir un peu.

 

Comment alors appauvrir progressivement le débit d'essence alors que le régime et donc l'aspiration augmentent ?

Il est hors de question de demander au conducteur, qui a déjà fort à faire, de commander cela par une manette extérieure, ce serait ingérable.

 

Solex a ainsi mis au point "l'automaticité" via un montage situé dans notre "cheminée" ou tube de garde: Un ajutage (gicleur d'air calibré) a placé dans la veine d'air d'admission débite via le tube d'émulsion s , par ses trous latéraux, et ce d'autant plus que la veine d'air est abondante et ainsi vide ce tube d'émulsion s  qui est rempli d'essence à l'arrêt et aux faibles régimes, et donc appauvrit progressivement au fur et à mesure que le régime augmente un mélange (ou émulsion) qui aurait au contraire tendance à s'enrichir. Tout cela se fait automatiquement, sans aucune intervention du conducteur.

 

Le bon choix, soigneusement étudié au cours de réglages d'usine, des divers calibrages de a et s permet alors une automaticité idéale à tous les régimes du moteur.

 

 

 

ajutage1.jpg

 

Le "cœur du réacteur"

 

 

 

(Accessoirement, on notera que les carburateurs ZENITH STROMBERG également montés sur Traction, utilisent pour l'automaticité un système de gicleur compensateur. Principe: un deuxième gicleur débite à l'inverse du gicleur principal de façon à ce que la somme de leurs deux débits reste constante à toutes les allures).

 

Bien entendu, dans notre description du circuit principal, il devient temps de parler du volet des gaz V communément appelé "papillon" pour ses ailes de laiton probablement.

Sa commande est mécanique, reliée à la pédale d'accélérateur par tringleries rigides et détermine le volume de gaz admis dans l'admission en faisant varier sa section et donc ainsi la vitesse de rotation du moteur.

En amont de V au dessus de la buse, vers le filtre à air, régnera quoi qu'on fasse une pression P1 égale à la pression atmosphérique, variant un peu suivant que l'on roule au niveau de la mer (en dessous c'est très rare) ou bien en altitude.

Par contre, en aval de V, règne une pression P2 fonction principalement de deux paramètres:

 

- La vitesse de rotation du moteur, et donc sa puissance d'aspiration.

- L'angle d'ouverture de V.

 

La différence P2 - P1 détermine des débits différents:

 

Par exemple, à grand régime stabilisé sur plat, V grand ouvert, nous avons pratiquement P1 = P2, bien que le débit soit maximum.

 

A contrario, à régime maximum encore, si nous fermons brutalement V nous aurons P1 > P2 mais un débit quasi nul.

 

Donc, ne jamais confondre pressions (ou leur différentiel) et débits dans notre compréhension de la carburation, et toujours réfléchir à ce qui se produit en amont ou en aval de la buse et du papillon V.

 

La conception de notre carburateur, et principalement sa correction automatique de richesse comme nous l'avons vu permet de répondre à toutes ces multiples configurations et combinaisons vitesse de rotation/position angulaire du papillon en assurant une carburation toujours optimale.

 

 

 

ajutagemarch.jpg

 

 

 

Pourtant, nous ne sommes toujours pas encore en présence du carburateur parfait, car il nous reste à appréhender deux régimes de marche particuliers à travers :

 

3° Le circuit de ralenti :

 

Au ralenti, notre moteur de Traction ne subit aucune charge autre que celle fort minime pour lui de ses frottements internes, ceux de la boite au point mort, et ceux de ses auxiliaires (les 3 pompes, dynamo, ventilateur, allumeur, etc ...) et le circuit principal que nous venons de voir ne peut lui assurer un fonctionnement régulier à très bas régime puisque le papillon V est fermé et d'autant qu'il règne alors une dépression faible dans la buse, insuffisante pour activer correctement le gicleur principal Gg.

 

Le constructeur a donc intégré dans son carburateur un circuit autonome de ralenti, qui est en fait un véritable "mini carburateur" à part entière, placé en dérivation.

 

L’alimentation en essence se fait via le gicleur de ralenti g dans un circuit émulsionné d'air par l'ajutage u.

 

Cette émulsion, riche, est régulée dans son débit par la vis réglable W puis aspirée en aval du papillon fermé, par un petit orifice dans l'admission. Nous avons décrit dans un autre article le réglage de la richesse du ralenti (ou plus précisément le réglage du volume de mélange riche émulsionné admis par W).

 

Notre moteur peut donc, par ce circuit indépendant, fonctionner correctement et régulièrement au ralenti, avec la possibilité d'un réglage très fin du régime, à la fois par la position butée du papillon V réglée par la vis z tout d'abord, et par le débit réglé par la vis W.

 

 

 

 

ajutageralent.jpg

 

 

Toutefois, une petite subtilité se remarque sur notre circuit de ralenti: Un deuxième orifice, appelé trou de progression ou trou d'accompagnement ou encore appelé By Pass, débouche juste au dessus de la tranche du papillon V fermé (plus exactement, 2 orifices supplémentaires, légèrement décalés pour encore plus de progressivité). 

 

Pourquoi?

 

Tout simplement pour assurer une progressivité correcte lorsque l'on passe du ralenti au régime normal en activant le circuit principal, et en évitant ainsi une transition brutale lors du passage d'un circuit à l'autre, le deuxième orifice de giclage By Pass étant découvert par le papillon dès qu'il quitte sa butée. Il est ainsi communément admis que le circuit de ralenti reste encore influent sur la carburation jusqu'à près de 20% de l'accroissement du régime moteur depuis le ralenti.

 

Les très fins metteurs au point affinent même d'ailleurs cette progressivité soit en l'anticipant en réduisant l'épaisseur de l'aile du papillon face à l'orifice, ce qui découvre le trou plus tôt, ou en la retardant par un perçage du papillon face à ce trou. Ne vous y aventurez pas, ce sont des réglages hors de portée de l'amateur et finalement bien "pinailleurs" pour un résultat juste symbolique souvent.

 

 

 

ajutageprogression.gif

 

Une dernière subtilité apparait sur le mécanisme de cette progression ralenti-marche normale (comme quoi, les ingénieurs de SOLEX ont largement "planché" sur la question !): L'alimentation en essence du gicleur de ralenti se fait via le gicleur principal, et non par un canal indépendant depuis la cuve, le montage étant qualifié de "monojet". Cela induit que lorsque le gicleur principal se réamorce à la réouverture du papillon, le gicleur de ralenti se retrouve au contraire entièrement désamorcé et donc inefficace, ne venant ainsi en aucun cas perturber la richesse de l'alimentation en marche normale.

 

 

Alors, nous y sommes enfin à notre carburateur parfait ?  Presque, voyons encore:

 

 

4° Le circuit de starter :

 

 La mise en marche à froid pose des problèmes supplémentaires que le circuit de ralenti ne peut résoudre à lui seul.

 

- Tout d'abord, le froid condense l'essence sur les parois des tubulures d'admission, et il parvient au moteur un mélange trop pauvre qu'il faut enrichir. A chaud, le contact des tubulures admission/échappement (Hot Spot), sous le carburateur, remédie à cela.

 

- Les résistances mécaniques par frottement sont très nettement plus importantes qu'à chaud du fait que l'huile est moins fluide et le ralenti normal ne tient pas de ce fait.

 

Ici encore, nous avons donc le rajout d'un circuit supplémentaire de "starter" intégré dans le carburateur, débouchant en aval du volet V car destiné à fonctionner de manière autonome sans action sur la commande des gaz: On utilisera donc toujours le départ à froid sans accélérer !

 

Il est commandé mécaniquement, et comme il nous faut toujours de l'air et de l'essence, composé:

 

- D'une entrée d'air calibrée par le gicleur Ga

 

- D'une alimentation d'essence calibrée par le gicleur Gs

 

Le mélange très riche ainsi constitué est distribué par l'action d'un volet rotatif commandé par la tirette du tableau de bord. Ici, le constructeur a prévu une subtilité qui permet deux régimes de marche au starter, lui permettant de le baptiser "BISTARTER".

 

On constate, en effet, à l'observation du volet rotatif, que si la lumière destinée à laisser passer le mélange du circuit starter est constante, il y a deux trous de calibrages différents pour laisser passer l'essence:

 

- Premier trou de petit diamètre à mi course de la commande: Régime de starter légèrement enrichi pour départs par températures modérées ou moteur encore tiède

 

- Deuxième trou de plus grand diamètre à pleine course de la commande: départs par grands froids moteur froid sous alimentation très enrichie

 

 

 ajutage4.jpg

 

 

Attention au bon montage de la glace de starter, ici sur la photo, elle est représentée en position commande tirée au maximum

 

Il a été souvent constaté que de nos jours, avec les essences actuelles et les hivers doux qu'on peut connaitre, le gicleur GS est trop fortement calibré, et nous recommandons le montage d'un gicleur de 115 ou 110 au lieu de 125 pour les 11 et 125 au lieu de 140 pour les 15 SIX. On obtient ainsi un starter moins riche et une rotation plus rapide du moteur en phase de réchauffement, la commande de starter se comportant alors comme une commande de ralenti accéléré. C'est la seule entorse aux réglages d'usine que nous recommandons, mais on en reparlera.

 

 

 On notera que le gicleur Gs, bien que placé du côté le moins accessible du carburateur, vers le cache culbuteurs, peut faire également office de vis de vidange de cuve.

 

 

 

ajutage6.jpg

 

 

 

 

5° La pompe de reprise:

 

Nous avons vu en 3°, lors de l'examen du circuit de ralenti, le rôle des trous de progression pour assurer une transition fluide entre les régimes lorsque le conducteur accélère. Il s'avère que ce montage est insuffisant lors d'une ouverture rapide du papillon V en passage immédiat de la position ralenti à plein gaz.

La proportion du volume d'air brutalement admis à ce moment est supérieure à celle de l'essence, logiquement plus inerte, et il s'ensuit un étouffement du moteur, un "trou" à l'accélération pouvant aller à l'extrême jusqu'au calage par excès d'air dans le mélange.

 

Le constructeur a donc prévu une pompe annexe, commandée mécaniquement dans le 32 PBIC, destinée à injecter en amont du papillon directement dans la buse une petite quantité d'essence supplémentaire.

 

ajutage2.jpg

 

On constate tout d'abord que cette pompe à membrane, donc très simple et robuste, quasiment inusable, est munie logiquement de deux clapets agissant via des billes en verre:

 

- Un clapet d'aspiration C1 (entouré d'un filtre tamis) destiné à obliger la pompe à ne refouler que via le tube d'injection

- Un deuxième clapet de refoulement placé dans un tube serti juste sous le tube d'injection destiné à empêcher la pompe d'aspirer de l'air en se réamorçant.

 

Le volume d'essence injectée, et la vitesse de cette injection, est régulé par le calibrage du gicleur de pompe Gp, ainsi que par la course réglable du levier de pompe l qui va "armer" plus ou moins la membrane à chaque décélération.

Le calibrage du tube d'injection va, lui, piloter la durée de cette injection dans la buse, le volume d'essence injectée à chaque course étant constant comme nous venons de le voir .

 

 

 

 

carbtrac11.jpg

 

 carbmich11.jpg

 

 

On remarque encore deux éléments sur notre 32 PBIC:

 

- Un tube de prise de dépression, en aval du papillon, destiné à commander la correction d'avance sur l'allumeur, s'il en est muni (A défaut, prendre soin de boucher ce tube !).

 

- Un filtre tamis juste sous le tube d'alimentation de la cuve à niveau constant

 

 

 

 

ajutage5.jpg

 

 

 

Un 32 PBIC de Traction, fraîchement dépecé. Couvert de sa crasse d'utilisation, il attend une rénovation qui portera principalement sur un axe neuf, monté sur bagues laiton et un surfaçage de sa bride. Joints et membranes neufs accompagnés d'un nettoyage puissant finiront l'opération (voir l'article correspondant).

 

 

 

En résumé:

 

Il est évident que notre carburateur, malgré sa qualité de fabrication et sa robustesse, et sous un aspect compact et simple reste un ensemble de précision, qualité seule à même d'assurer un fonctionnement correct et une carburation idéale.

Il renferme, comme nous venons de le voir, des mécanismes de carburation très subtils et interdépendants en fonction des régimes moteurs et des conditions de température et de charge.

On comprend alors au vu de tous ces gicleurs, ajutages, canalisations internes, que certaines "re-fabrications" modernes assez hasardeuses ne donnent pas toujours satisfaction, probablement du fait de dispersions de côtes trop mal maitrisées.

 

A ne pas faire:

 

- Bricoler, bidouiller, et ne pas respecter les montages d'usine qui sont dans 99% des cas parfaitement adaptés encore de nos jours (exception pour le gicleur de starter, nous l'avons vu).

 

- Forcer les vis de réglage en fin de course (W principalement).

 

- monter de la pièce incertaine, aux calibrages fantaisistes et donc décevants

 

- tolérer fuites ou prises d'air

 

- Nettoyer les alésages des gicleurs et ajutages avec des objets métalliques

 

- Laisser l'ensemble s'encrasser, principalement dans les canalisations internes. Le diluant cellulosique est très efficace sur les gommes et dépôts d'essence

 

 

 

 

 



09/11/2020
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