L'avance à L'allumage à main
Lorsqu'un profane contemple pour la première fois le tableau de bord d'une Traction, c'est invariablement la même question qui revient devant le bouton rotatif du correcteur d'avance manuel: "ça sert à quoi ?".
La réponse, c'est un correcteur d'avance manuelle, génère tout aussi invariablement encore plus de perplexité et d'embarras ... A quoi sert donc réellement cette mystérieuse commande, et comment s'en servir opportunément ?
La réponse est multiple, et surtout doit bien se comprendre en fonction de l'époque où l'on se situe: Tout d'abord quand notre Traction est sortie d'usine, et ensuite de nos jours.
Le principe général de la commande:
- Sur la grande majorité des TA qui en sont munies, on voit que l'allumeur est fixé sur une embase mobile en rotation, cette mobilité s'exerçant sur environ une dizaine de degrés, la course totale étant limitée par une boutonnière.
Un ressort de rappel maintien l'allumeur en position plein retard, soit dans un sens de rotation horaire vu de dessus.
La commande manuelle, via un câble sous gaine, tend à augmenter l'avance lorsqu'on la tourne au tableau dans le sens horaire (comme si l'on vissait), tout en déplaçant angulairement l'allumeur en sens anti-horaire, et inversement dans l'autre sens bien entendu.
Comme nous l'avons vu dans l'article sur le réglage de l'allumage, la commande et l'allumeur doivent être placés à mi-course lors du réglage du point d'avance fixe, c'est impératif:
Dés à présent, un réflexe de "bon tractionniste" doit donc accompagner votre conduite: A chaque arrêt moteur, mettez systématiquement l'avance à plein retard. Ce sera toujours ça de moins à faire (ou à oublier !) au prochain démarrage.
Démarrer plein retard s'impose en effet pour préserver le lanceur du démarreur de "retours" néfastes, pouvant aller jusqu'à la casse.
C'est une des deux fonctions majeures de la commande, et valable de nos jours tout comme à l'époque.
Pour le reste:
1° A l'époque, soit du milieu des années 30 aux années 50:
C'est une période de véritable "jungle" concernant la composition des carburants, la période de guerre venant en plus amplifier ce phénomène.
On trouve à peu près de tout, des essences additivées d'alcool (mais oui ! ce n'est pas une pratique récente) ou pas, ou de Benzol ou encore les deux (mélange ternaire) et dans des proportions variables.
Des essences, principalement au sortir de la guerre, additivées de plomb tétraéthyle ou pas, etc ...
Le point commun de tous ces "mélanges", variables selon les époques, les marques distributrices, les artifices commerciaux et les effets publicitaires, reste un indice d'octane déplorable, soit des qualités anti-détonantes faibles :
Par ex, l'Arrêté du 15 février 1946 définissant les caractéristiques légales du carburant auto fixe l'indice d'octane à 65 minimum alors que nous sommes aujourd'hui à 95 ou 98 !
Tableau des indices en 1951
Il fallait donc impérativement, immédiatement et très facilement, en fonction du carburant mis dans le réservoir, pouvoir corriger la forte tendance au cliquetis du moteur, provoquée par le faible indice d'octane, d'où le correcteur manuel.
Les premières versions de 15 SIX comportent d'ailleurs, sur une plaquette entourant la commande, les mystérieuses et pourtant fort judicieuses mentions "T" et "S".
Il s'agit des correspondances des deux carburants auto distribués à l'époque: "Tourisme" et "Supercarburant". Tout le monde l'a oublié aujourd'hui ...
Tourisme correspondait à une amélioration du carburant "Poids lourds" de basse qualité, et généralement additivé d'alcool pour environ 13% (proportion pouvant aller jusqu'à 25% !).
Supercarburant correspondait à de l'essence pure, en principe non additivée d'alcool ou benzol, mais là encore sans certitude absolue, chaque marque y allant de sa mixture maison, l'alcool restant l'additif indétonant de prédilection pour offrir un indice d’octane meilleur que le carburant tourisme.
Pour digérer ces breuvages divers et variés sans infliger au moteur le destructeur et inacceptable cliquetis, le conducteur corrigeait donc son avance en fonction de la qualité de son essence, en roulant juste à la limite du dit cliquetis comme le recommandait la notice d'utilisation livrée avec la Traction.
La voilà la raison des faibles taux de compression des moteurs anciens, et de ceux des T.A. bien entendu: Nulle incapacité des constructeurs à réaliser des ensembles plus performants, dotés de taux de compression plus importants, mais cela n'aurait servi à rien de mettre sur le marché des moteurs inutilisables du fait des piètres carburants disponibles, sachant que dès l'adoption d'un taux de compression (pourtant faible !) de 5, l'essence commence à détoner et provoquer des phénomènes d'auto-allumage.
Le plein, un coup sur le pare-brise et ça roule !
Encore un peu de technique illustrée pour finir de bien comprendre le sujet qui nous occupe :
Chaque moteur possède une position d’avance optimale où il développe sa puissance maximum, et cela pour chaque plage de régime de rotation.
Exactement de la même manière, il y a aussi pour chaque régime une valeur d’avance maximale au-delà de laquelle il commence à cliqueter :
Nous pouvons donc ainsi construire deux courbes avec en abscisse les valeurs de régimes et en ordonnée les valeurs angulaires d’avance, et nous obtiendrons la courbe d’avance de pleine puissance et la courbe de cliquetis.
Tant que la courbe de pleine puissance reste en dessous de la courbe de cliquetis, aucune correction n’est nécessaire et on laisse agir les systèmes d’avance fixe et centrifuge, plus éventuellement la correction via la dépression, systèmes normalement calés en usine sur des valeurs adaptées correspondant au moteur concerné.
Mais, ces 2 courbes auront des « hauteurs » et des pentes différentes selon la qualité du carburant utilisé, un indice d’octane élevé autorisant plus d’avance.
Pour un indice d'octane de 60, le moteur va cliqueter entre le ralenti et 1600 T/min
Dans le cas d’un carburant de faible indice d’Octane, comme sur les courbes (A’ B’ C’) et (a’ B’ c’), on voit bien qu’il sera nécessaire de corriger l’avance via la commande d’avance manuelle sur la première partie de la plage des régimes pour éviter le cliquetis (la diminuer pour descendre sous a'B').
Citroën maitrisait, bien entendu, ce phénomène et proposait donc en série sur la plupart des modèles un correcteur manuel à l’attention des conducteurs avisés prenant le volant de ses TA.
2° Aujourd'hui:
Il y a belle lurette que Tourisme et Supercarburant ont été remplacés par Ordinaire et Super pendant longtemps, puis par les SP 95 et 98, ayant encore récemment évolué en E5, E10, etc ...
Les indices d'octane et la qualité de ces carburants actuels, adaptés pour les moteurs modernes fortement compressés, aux courbes d'allumage gérées par microprocesseur, renvoient notre correcteur au chapitre des antiquités, et à sa seule fonction de retardateur au démarrage.
En effet, le "cliquetis" a disparu sous le capot de nos Tractions, et s'il réapparait ou se manifeste il y a de fortes chances (?) que la cause en soit purement mécanique et ailleurs que dans un excès d'avance à l'allumage ou une insuffisance d'indice d'octane.
De nos jours donc, et excepté l'indispensable mise plein retard au démarrage, il suffira une fois le moteur en route de ramener la commande à mi-course (soit au point de calage fixe nominal) pour avoir une marche normale et satisfaisante.
Sur un moteur en bon état, et correctement réglé par ailleurs (allumage et carburation), manipuler la commande ne devrait avoir aucun effet réellement sensible ni significatif sauf dans le sens du retard ou le moteur devient plus "mou" (ne pas l'y laisser, le risque de surchauffe est trop important).
Tout au plus, en régime de croisière rapide, pourra t-on rajouter 1 ou 2 crans d'avance par rapport à la position milieu, sans oublier que ce sont les autres correcteurs d'avance, centrifuge et à dépression (si présent) qui gèrent la bonne marche de l'ensemble en fonction de la vitesse de rotation et de la charge du moteur.
Toutefois, chaque Traction, chaque moteur, chaque mode de conduite, est unique et leur combinaison nécessite à la marge ses propres réglages fins. A vous de trouver celui qui va à votre Traction en "jouant" de la manette mais sans excès, c'est le job de tout bon conducteur dont le rôle ne se limite fort heureusement pas à tourner le volant.
Après le plein, pour se délester de quelques Francs supplémentaires
Concluons avec une recommandation qui va à l'inverse de ce qu'on lit trop souvent: Ce n'est pas parce que les essences actuelles nous ont affranchi du cliquetis, qu'il faut exagérer les réglages et corrections d'avance et rajouter intempestivement des degrés. Respecter le réglage préconisé à l'époque reste le plus opportun. En effet, le diagramme de distribution de nos moteurs, lui, reste fixe et n'autorise pas de faire n'importe quoi avec l'avance et même si "ça marche mieux" en une apparence trompeuse, le long terme et l'enchaînement des kilomètres risquent de finir par démontrer le contraire.
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 300 autres membres