Les mystères du lanceur (de démarreur)
Dans cet article, nous allons étudier le principe des lanceurs de démarreur ayant équipé toutes les TA depuis l'origine, toujours dans le même but de comprendre "comment ça marche" pour utiliser ensuite de manière instruite notre TA et surtout pour comprendre et réparer seul une éventuelle panne ou avarie qui pourrait survenir sur l'élément.
Avant tout, un mot au sujet du démarrage à la manivelle: Bien qu'exceptionnellement possible, il est très fortement déconseillé dans la mesure où sur les 4 cylindres, il impose au support de manivelle sur pare-chocs, et surtout à l'assemblage de l'arbre primaire de boite à vitesses, des efforts pour lesquels ils ne sont pas conçus réellement. Sur 15 SIX, c'est encore plus catastrophique, la manivelle générant dans son tube guide des limailles d'aluminium qui iront directement dans le chemin du roulement primaire de l'arbre correspondant. Ne parlons même pas des risques de blessures physiques de l'opérateur en cas de retour.
La manivelle restera donc raisonnablement réservée aux opérations de calage et réglage du moteur, bougies enlevées, et pour le reste on utilisera le démarreur électrique, prévu pour.
A l'époque de la Traction, il existe globalement deux grandes catégories de lanceurs:
A commande positive, ou à inertie. Toutes les TA ont été montées avec des lanceurs à inertie.
La phase de démarrage doit combiner deux opérations, de préférence simultanées:
1° Etablir le contact électrique du moteur de démarrage (nous étudierons son principe dans un autre article)
2° Engréner le pignon du lanceur avec la grande couronne, en périphérie du volant moteur sous le carter d'embrayage sur les 4 cylindres, ou placée à l'arrière du moteur, presque contre la cloison d'habitacle, sur 15 G et 15 D.
Mais ce n'est pas terminé ! En effet, une fois le moteur thermique lancé, le pignon doit immédiatement se désengager de la grande couronne, car sinon il serait alors entrainé à une trop grande vitesse ainsi que le moteur de démarreur au vu du rapport des diamètres correspondants, détruisant l'ensemble à très brève échéance.
Le contact électrique du démarreur est une opération basique, via un contact de puissance élémentaire, commandé mécaniquement et très simplement par une tirette du tableau sur tous les modèles.
L'engagement et le désengagement du pignon du lanceur se font de manière entièrement automatique, nous allons voir comment, la marque américaine BENDIX ayant été la première à mettre au point ce système, lui donnant son appellation dans le langage courant des mécaniciens (tout comme DELCO pour les allumeurs par exemple).
Tous les lanceurs de TA sont à "pignon sortant" c'est à dire que le pignon s'éloigne du démarreur au lancement, contrairement aux lanceurs à "pignon rentrant" plus encombrants, et plutôt réservés aux modèles antérieurs à la TA. Toutefois, cette disposition impose un guidage avant de l'extrémité d'arbre du démarreur, nécessitant un carter (réalisé en fonte d'aluminium, ou en bronze plus résistant) support du mécanisme complet, communément appelé "nez de démarreur".
L'axe du démarreur est muni de deux douilles ou manchons, dont le premier en partant du démarreur est fixé rigidement à l'axe, par vis ou clavetage, et entraîne via un assemblage mortaise et tenon et un puissant ressort amortisseur de couple, un deuxième manchon qui porte extérieurement un filetage à pas très long, et tourne librement sur l'arbre.
Le pignon de lancement est fileté intérieurement au même pas que ce deuxième manchon et coulisse sur lui librement, mais uniquement en tournant bien entendu, du fait du pas de vis.
"éclaté" du lanceur BENDIX monté sur TA
On remarque que ce pignon est muni d'une collerette, souvent asymétrique ou "balourdée" mais pas toujours. Cela est destiné à augmenter sa masse et donc son inertie, le balourd lui donnant toujours la même position d'arrêt, nous verrons pourquoi plus loin.
Lanceur BENDIX Classique
Lors du contact électrique, et donc du démarrage immédiat du moteur de démarreur, les deux manchons entrent instantanément en rotation, alors que le pignon du fait de son inertie, et d'absence d'entrainement mécanique, reste immobile.
Il se passe alors que le pas de vis provoque son déplacement rapide latéralement vers la grande couronne où il s'engrène, aidé en cela par une taille en biseau des entrées de dents, puis finit par venir en butée et ne pouvant plus de ce fait se déplacer longitudinalement sur l'axe du démarreur, se met alors à tourner à la même vitesse que celui-ci et entraîne ainsi le moteur thermique de la TA.
Durant cette phase de démarrage, l'entraînement de l'ensemble du moteur thermique se fait à une vitesse d'environ 200 T/min, si la batterie est correctement chargée, suffisante pour assurer le démarrage.
Que se passe t-il alors ensuite ? Si tout va bien, le moteur thermique démarre, dépassant largement la vitesse de rotation qui lui est imprimée par le démarreur, et la grande couronne accélère alors la rotation du pignon sur un manchon qui tourne moins vite que lui: Le phénomène inverse du lancement se produit et le pignon se retrouve propulsé vers le démarreur qui, entretemps, aura bien entendu été coupé de son alimentation électrique par le conducteur relâchant la commande.
Afin d'éviter tout rebondissement du pignon à nouveau vers la couronne, un petit ressort antagoniste, soigneusement calibré, aide à son retour et l'y maintient.
De même, lors des mouvements et vibrations de la voiture en marche qui pourraient avoir tendance à faire coulisser le pignon sur son manchon, le balourd contrariant sa rotation vient également en sécurité supplémentaire du ressort antagoniste.
Une grande variété de lanceurs à inertie a existé, sous diverses marques, mais globalement tous basés sur le principe que nous venons de décrire.: BENDIX, DUCELLIER, ROUX-CLEMENCET, CORNEX, BENADA, etc ...
Une mention particulière pour le rare CORNEX, très belle et astucieuse réalisation, basée sur un déplacement non par filetage, mais via une fente diamétrale en hélice fraisée dans un manchon solidaire du pignon, où s'engage un tenon formé par l'extrémité du ressort de liaison:
Lanceur CORNEX
Les défauts de ce système de lanceur BENDIX (ou autres) à inertie, efficace et simple, ne sont toutefois pas à négliger:
1) La manœuvre est très violente, tant à l'enclenchement du pignon qu'à son renvoi à la mise en route. La fabrication du lanceur, dans toutes ses composantes, ne souffre ainsi aucun à peu près, l'avarie la plus fréquente étant une casse du ressort de couple.
2) Le moteur thermique ayant une propension à s'arrêter toujours dans la même position, il n'est alors pas rare qu'une seule portion de la couronne soit usée de manière importante, générant des difficultés de démarrage alors que le lanceur est encore bon.
3) En cas d'usure générale de l'ensemble, il est fréquent que le lanceur se coince.
Ne surtout pas insister ! Plusieurs solutions existent, toutes valables, pour le décoincer:
a) En seconde vitesse, gymnastiquer la voiture d'avant en arrière pour entrainer le moteur et débloquer le lanceur
b) Le constructeur a prévu, en bout arrière d'arbre du démarreur, un carré ou deux plats pour attraper l'arbre avec une clé et le faire tourner pour décoincer le lanceur
c) Sur 15 SIX, il est très accessible et on peut souvent le décoincer avec un petit levier
d) Solution extrême, quand a, b et c n'ont rien donné: démonter le démarreur
Ceux qui transforment leur Traction en 12 Volts, croyant ainsi mieux démarrer (entre autres) sans autre modification du démarreur s'offrent une grande probabilité supplémentaire de casse du lanceur ou bien plus souvent du nez de démarreur qui encaisse une partie du choc du pignon en butée au lancement, choc bien plus violent en 12 volts qu'en 6 volts.
Le moteur, lui, ne risque absolument rien du fait de l'augmentation de la tension. Cet avertissement s'adresse aussi aux invétérés "ponteurs" de batteries 12V qui affirment à tort et à travers qu'il ne peut y avoir de conséquence fâcheuse à cette manœuvre. Cerise sur le gâteau, la casse du nez de démarreur s'accompagne parfois du coincement d'une partie cassée dans le carter d'embrayage, obligeant une dépose de boite en plus de celle du démarreur: On a parfois vraiment gagné sa journée sur un simple "bon conseil".
Du fait de cette brutalité de manœuvre, le lanceur à inertie ne convient pas pour de gros moteurs (par exemple, de poids lourds) où il ne résisterait pas à un usage répété. On utilise alors des lanceurs à commande positive, où l'engrènement pignon - couronne se fait dans un premier temps mécaniquement, puis est immédiatement suivi de l'alimentation électrique du démarreur, générant ainsi une mise en route plus douce et plus silencieuse. Mais cela reste un montage moins simple et donc plus onéreux qui n'a pas été retenu pour la TA (mais pourtant adopté pour la 2CV par la suite), de plus le principe du lanceur à inertie reste plus favorable en rendement du fait de l'énergie cinétique emmagasinée par l'induit déjà en mouvement au moment de l'attaque de la couronne, ce qui n'est pas le cas de la commande positive.
Quel entretien apporter à notre lanceur ?
Une fois que l'on s'est assuré que toutes les pièces sont en bon état, sans jeu ni casse ni usure excessifs, on doit nettoyer l'ensemble très soigneusement au pétrole et bien le souffler, cet organe ne fonctionnant correctement qu'une fois très propre, et ensuite huiler au pinceau, uniquement avec de l'huile fine, de vaseline par exemple, principalement le filetage et les ressorts.
Surtout pas de graisse ou d'huile épaisse qui formerait une pâte avec les poussières de l'embrayage (sur 4 cylindres) empêchant un bon coulissement du pignon sur son manchon. Pas de fonctionnement à sec surtout non plus, l'usure des pièces et en particulier du filetage serait rapide, sans parler des possibilités de grippage.
Les 15 SIX, toujours un peu marginales, ont connu deux générations différentes de lanceurs, favorisées par des capacités de démarrage à une vitesse inférieure, du fait d'un nombre de cylindres supérieur, mais nécessitant un couple de lancement plus important de part la cylindrée et la résistance mécanique augmentées.
- Sur 15 G le lanceur classique que nous venons de décrire.
- Sur 15 DB et DV le constructeur a voulu munir le démarreur de la 15 d'un peu de vigueur supplémentaire afin de lancer à coup sûr le gros 6 cylindres. Pour augmenter le couple, impossible de modifier le moteur électrique pour des raisons d'encombrement. Il a suffi alors, pour un diamètre identique de la grande couronne, de placer un pignon de lanceur plus petit, pour augmenter la démultiplication et donc le couple, mais malheureusement dans le lanceur classique, on est vite limité en réduction par le diamètre minimum du manchon tournant sur l'arbre du démarreur.
Citroën a alors adopté le principe élégant du lanceur à barillet: Le pignon ne coulisse plus sur le manchon, mais est solidaire d'un mécanisme (ou barillet) enfermant la partie filetée et le ressort antagoniste. Il est alors facile d'adopter un pignon de plus petit diamètre, puisqu'il ne doit plus alors tourner et coulisser que sur l'axe du démarreur et non plus sur le manchon. Montage astucieux !
Lanceur BENDIX à barillet. 15 SIX DB DV et H
En conclusion on se souviendra, en bon conducteur de Traction-Avant, de deux recommandations à respecter dans la manœuvre de notre auto:
1° Si le moteur ne part pas du premier coup, bien attendre l'arrêt complet du démarreur (on l'entend tourner) avant de relancer. A défaut, il y a un vrai risque de casse du lanceur ou du nez de démarreur.
2° Garder à l'esprit que la commande de démarreur n'est pas sécurisée, et autorise sa mise en route quand le moteur tourne. Ne jamais s'y essayer !
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